Rencontre avec une tortue marine près de Porquerolles : que nous dit-elle sur la Méditerranée ?

Tortue Marine nageant en mer

Rencontre avec une tortue marine près de Porquerolles : que nous dit-elle sur la Méditerranée ?

En arrivant à Porquerolles, après la traversée de la Méditerranée, nous avons eu la chance d’apercevoir une tortue marine. Instant suspendu, rencontre rare et émouvante. Mais derrière cette image de liberté se cache une histoire plus complexe : qui sont les tortues marines de Méditerranée, où vivent-elles, et comment évoluent leurs populations face au réchauffement climatique ?

Photo prise en Nouvelle Calédonie, qui sert uniquement à illustrer l’article

Les espèces présentes en Méditerranée

Trois espèces de tortues marines fréquentent régulièrement la Méditerranée :

  • La tortue caouanne (Caretta caretta) : c’est la plus répandue. Elle se nourrit notamment de crabes, mollusques et méduses. Ses principaux sites de ponte se trouvent en Grèce, Turquie et Chypre.

  • La tortue verte (Chelonia mydas) : plus rare, elle est principalement herbivore et dépend des herbiers de posidonie. Elle se reproduit surtout dans l’est de la Méditerranée.

  • La tortue luth (Dermochelys coriacea) : géante des mers, elle n’y niche pas mais fréquente la Méditerranée pour s’alimenter, notamment de méduses.

    L’individu que nous avons croisé à Porquerolles pourrait être une caouanne, la plus fréquente dans nos eaux françaises.

Des populations fragiles mais toujours présentes

Bonne nouvelle : la Méditerranée abrite encore des populations de tortues relativement stables, et certaines colonies montrent des signes de recolonisation dans l’ouest du bassin (Italie, France, Espagne). On a même observé des pontes occasionnelles en Provence et en Corse ces dernières années — un phénomène très rare jusque-là. En 2020, plusieurs nids de caouannes ont été découverts sur les plages varoises et languedociennes.

Mais la survie de ces populations reste fragile : collisions avec les bateaux, ingestion de plastiques, capture accidentelle dans les filets, et désormais… changement climatique.

Le réchauffement climatique, un nouvel enjeu

Le climat modifie la répartition et la reproduction des tortues marines :

  • Extension vers l’ouest : avec le réchauffement de l’eau, des femelles caouannes commencent à pondre sur des plages jusque-là trop fraîches (France, Espagne).

  • Sex-ratio biaisé : la température du sable détermine le sexe des nouveau-nés (plus chaud = plus de femelles). Avec le réchauffement, certaines plages produisent déjà une majorité écrasante de femelles, ce qui pourrait déséquilibrer les populations.

  • Migration alimentaire : la distribution des méduses, poissons et herbiers évolue avec les températures et les courants, obligeant les tortues à adapter leurs routes migratoires.

Autrement dit : nous assistons à un redéploiement silencieux des tortues marines en Méditerranée, guidé par le climat.

Pourquoi cette rencontre est importante

Voir une tortue près de Porquerolles n’est pas anodin.

C’est le signe que la Méditerranée française est bien fréquentée par ces animaux emblématiques, pas seulement par hasard mais de plus en plus régulièrement.

C’est aussi un rappel de la responsabilité collective : protéger leurs habitats, limiter la pollution plastique, réduire la vitesse des bateaux dans les zones à risque, préserver les plages de ponte potentielles.

Statuts de protection et efforts de conservation des tortues marines

Dans le monde

Qu’en est-il de leur conservation en France et ailleurs? Toutes les tortues marines sont aujourd’hui considérées comme espèces menacées :

  • Selon l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) :

    • Tortue luth (Dermochelys coriacea) : Vulnérable au niveau global, mais certaines populations Pacifique sont En danger critique.

    • Tortue caouanne (Caretta caretta) : Vulnérable.

    • Tortue verte (Chelonia mydas) : En danger.

    • Les autres espèces (tortue imbriquée, olivâtre, de Kemp, etc.) sont toutes classées au minimum Vulnérables.

  • Selon la CITES (Convention internationale sur le commerce des espèces menacées) : toutes les tortues marines figurent en Annexe I, interdisant tout commerce international.

  • Plusieurs traités les protègent également : Convention de Bonn (CMS) sur les espèces migratrices, Convention de Ramsar sur les zones humides, Convention de Barcelone pour la Méditerranée.

En Méditerranée

La situation est préoccupante, mais des progrès existent :

  • Les trois espèces principales (caouanne, verte, luth) sont protégées par :

    • La Convention de Barcelone et son protocole ASPIM (Aires Spécialement Protégées d’Importance Méditerranéenne).

    • La Convention de Berne (espèces strictement protégées).

    • La Directive Habitats de l’UE (espèces prioritaires nécessitant une protection stricte).

  • La France a classé les tortues marines parmi les espèces protégées depuis 1991 (interdiction de capture, détention, destruction des nids).

  • Des réseaux de suivi et de sauvetage existent :

    • RTMMF (Réseau Tortues Marines de Méditerranée Française) : collecte d’observations, sauvetage d’individus en détresse, suivi des pontes.

    • Des centres de soins (ex. CESTMed à Valras, Station tortues de Monaco) accueillent et soignent les tortues accidentées.

Quels sont les enjeux actuels concernant leur conservation?

Il est indispensable de mettre en place et poursuivre des actions de conservation concrète et immédiates:

  • Réduction des captures accidentelles dans les filets et palangres (principal facteur de mortalité en Méditerranée).

  • Protection des plages de ponte, parfois menacées par le tourisme et l’urbanisation.

  • Lutte contre les plastiques, ingérés par de nombreuses tortues.

  • Surveillance des populations : programmes de marquage, suivi satellite, et plus récemment acoustique sous-marine pour comprendre leur présence.

Les tortues marines sont parmi les espèces les mieux protégées légalement… mais restent fragilisées par les activités humaines. En Méditerranée, la caouanne est le symbole d’une espèce résiliente mais toujours menacée, qui dépend directement de nos choix de société.

Que faire si on observe une tortue marine en mer (ou une baleine, ou un requin)?

Lorsqu’on est en mer, et que l’on observe des espèces marines, il est important de faire remonter l’observation aux chercheurs qui pourront s’emparer de cette observation citoyenne pour en faire une donnée scientifique.

C’est le principe même de la science participative.

Aujourd’hui il existe une application qui centralise les données diverses et variées (espèces animales, végétales, macrodéchets, etc.) pour ensuite les renvoyer vers les programmes de recherche les plus adaptés en fonction de la localisation de l’observation, et du sujet observé.

Il s’agit de l’application Obs en Mer, que tout un chacun peut télécharger sur son téléphone ou sa tablette, et renseigner ses observations pendant ou même après l’observation elle-même.

On peut aussi effectuer des veilles attentives, qui permettent de rapporter tout ce qui est observé sur un temps donné, et si on n’observe rien, c’est aussi de la donnée pour les scientifiques!

Nous sommes maintenant une structure partenaire de cette application, de ce projet, ce qui va permettre de relayer encore plus facilement nos observations pendant la durée de notre voyage! Et nous en sommes ravis!!

Un symbole pour le Club des 5 Océans

Notre rencontre avec cette tortue est une source d’inspiration pour notre expédition : Pour observer et partager la présence de ces grands voyageurs, pour relayer les efforts de recherche et de conservation menés en Méditerranée, et pour sensibiliser aux effets du changement climatique sur la biodiversité.

Parce qu’au fond, chaque tortue croisée est bien plus qu’un instant de grâce : c’est un témoin de la santé de nos océans.

Les tortues marines de Méditerranée, en particulier la caouanne, s’adaptent tant bien que mal à un environnement en pleine mutation.

Leur avenir dépend de notre capacité à réduire les menaces humaines et à accompagner le changement climatique.

Suivant
Suivant

Vivre et Expérimenter